
La pratique du vélo hivernal connaît une popularité grandissante, notamment dans les grandes villes, et Montréal n’échappe pas à la tendance. Le cycliste demeure toutefois une espèce rare lorsque vient la saison de la slush et du verglas. Le Reporter a rencontré quatre adeptes de l’hiver montréalais sur deux roues. Ils partagent leurs motivations pour ne pas lâcher le guidon même lorsque le thermomètre chute au-dessous de zéro.
Écologique, économique, pratique, agréable : le vélo a la cote auprès des Montréalais. Ce moyen de transport, très populaire lorsque le temps est clément, tombe toutefois en disgrâce dès les premiers frimas de novembre. Pourtant, aux avantages présents à l’année longue s’ajoutent quelques bonus spécifiques à la pratique du vélo en période hivernale. De plus en plus de cyclistes l’ont compris et se lancent à l’assaut des pistes malgré la neige et le froid. Le phénomène du vélo quatre saisons, loin d’être réservé à une élite de jeunes sportifs téméraires, concerne toutes les tranches d’âge.
En 2010, à Montréal, 200 000 cyclistes ont enfourché leur vélo entre le 12 novembre et la fin du mois de mars, soit durant la période de fermeture des pistes cyclables. Selon les dernières données disponibles sur la fréquentation des pistes cyclables, l’achalandage se maintient de 11 à 14 % en moyenne (Source : Vélo Québec). On est encore loin de Copenhague, au Danemark, où 70 à 80 % des cyclistes ne se laissent pas décourager par la saison froide. Mais l’augmentation de la fréquentation est néanmoins très nette. Une des raisons ? L’amélioration des infrastructures et du déneigement. Ainsi, à Montréal —particulièrement dans le centre-ville—, 60 km de piste doivent être déneigés en 2014 dans le cadre de la politique de la ville sur le « réseau blanc ». Cette année aussi, sous la pression des citoyens de l’arrondissement d’Outremont, la piste cyclable du chemin de la Côte-Sainte-Catherine a été déneigée. On observe également d’autres signes de popularisation du vélo d’hiver : un projet-pilote de déneigement de piste cyclable à Longueuil, la tenue d’évènements d’initiation tels que « vélo sous zéro » à l’initiative de Projet Montréal ou encore, à l’échelle nationale, la tenue du deuxième Cycling Winter Congress à Winnipeg en février dernier.
Voir un cycliste braver les flocons et la circulation en janvier demeure toutefois un spectacle qui inspire le respect, l’admiration ou au contraire l’étonnement. Quatre d’entre eux livrent les raisons qui les poussent à pédaler même quand les Celsius s’inscrivent en négatif.
Du plaisir avant tout
1. Pour apprivoiser l’hiver
Le froid, la neige et le verglas sont les principaux motifs évoqués par ceux qui remisent leur monture dès la fin de l’automne. Pourtant, les adeptes du vélo d’hiver sont unanimes : pédaler réchauffe ! Mathieu Guévremont, étudiant de 31 ans, est un cycliste hivernal depuis deux ans et ce, six jours sur sept. Il affirme ne plus avoir froid l’hiver grâce à cette pratique et apprécie davantage la saison des frimas.
« Je suis très frileuse et j’ai souffert des hivers québécois jusqu’à ce que je décide de me mettre aux sports d’hiver », déclare Nimâ Machouf, épidémiologiste et mère de famille de 48 ans. « En ville, c’est le vélo qui me procure ce bonheur de me réconcilier avec l’hiver. C’est comme si je faisais du ski à tous les jours ! »
Enfin, Geneviève Bois, étudiante en médecine de 25 ans, dédramatise l’expérience. « Mes meilleures expériences ont été les jours les plus froids ou enneigés : tout le monde avait froid… sauf moi ! Le vélo d’hiver c’est comme le vélo l’été, juste avec une bonne tuque. »
De plus, au-delà du combat contre le froid, rouler de décembre à mars permet de vivre plus pleinement les joies de la période hivernale. « On vit dans un pays où il y a l’hiver et on reste à l’intérieur trop souvent, trop longtemps », regrette Antoine Hébert Maher, 29 ans, cadre chez Vélo Québec. Il enfourche sa monture quasiment tous les jours depuis six ans, y compris pour emmener sa fille de deux ans à la garderie. « C’est agréable de rouler lorsqu’il y a un mince manteau de neige au sol : la texture, les sons, la lumière sont différents. On découvre vraiment la ville d’une autre façon, on profite de l’extérieur. Le vélo intègre les joies de l’hiver à mon quotidien. »
2. Pour garder la forme
La saison hivernale tend à ralentir l’activité physique. « Avant la pratique du vélo durant cette saison, l’hiver était pour moi la période la moins active de l’année », constate Mathieu Guévremont. Se déplacer à vélo tout au long de l’année garantit ainsi d’intégrer l’exercice physique au programme quotidien. « Comme la majorité des gens, je travaille dans un bureau, et le soir, je n’ai pas le temps. Si ce n’était pas du vélo qui me permet de bouger, je serais complètement sédentaire l’hiver », remarque Antoine Héber Mahé.
3. Pour le bien-être et l’estime de soi
Arpenter les pistes cyclables lorsque le mercure est au plus bas a des effets bénéfiques sur le physique et sur le moral. Ainsi, pour Mathieu Guévremont, le principal avantage du vélo d’hiver est la sensation de liberté et le bien-être que cette activité lui procure. « Mon aspect favori est certainement l’espèce de prise de conscience perpétuelle du plaisir d’être sur mon vélo durant un voyagement. »
« J’ai l’impression d’être invincible, que rien ne peut m’arrêter. Je pense que le vélo d’hiver est une excellente source pour l’estime de soi », ajoute de son côté Nimâ Machouf.
4. Pour l’efficacité
Le vélo demeure toute l’année un moyen de transport rapide, simple et peu dispendieux. Des qualités tout particulièrement appréciables lorsque les conditions hivernales entravent les autres usagers. « J’apprécie de pouvoir contrôler mes déplacements et d’éliminer le stress causé par les autres moyens de transport », souligne ainsi Mathieu Guévremont, avouant également une « écœurantite aiguë » des transports en commun l’hiver.
De son côté, Geneviève Bois estime que le vélo réunit tant d’avantages qu’il lui serait difficile de retourner à un autre mode de transport l’hiver. « Je prends mon vélo tous les jours pour aller dans les hôpitaux où je suis en stage, c’est généralement plus ou aussi rapide que les transports en commun. Je suis en contrôle, je ne peux pas avoir une panne de métro ou être prise dans les embouteillages. Et les voitures vont aussi lentement que moi dans les tempêtes », observe-t-elle.
Le gain de temps, l’absence de casse-tête pour trouver une place de stationnement ou déneiger son véhicule représentent également des avantages indéniables en milieu urbain, comme le soulignent Nimâ Machouf et Antoine Hébert Maher.
Des risques éventuels ?
Les cyclistes du froid s’accordent néanmoins à reconnaître quelques inconvénients spécifiques au vélo hivernal.
En premier lieu, les autres usagers de la route. « En hiver, la marge de manœuvre est très limitée et une voiture qui te frôle ou te colle, ça représente un grand danger », explique Mathieu Guévremont en déplorant le manque de considération de certains automobilistes peu enclins à partager la route. « Il faut aussi être vigilant pour éviter les nombreux obstacles qui apparaissent durant l’hiver, notamment, les nids-de-poule sous la neige et les plaques de glace noire. »
Nimâ Machouf regrette elle aussi le manque de sécurité, mais s’emporte également contre les déneigeurs, dont les chenillettes lui ont déjà écrasé deux vélos, pourtant enchaînés aux stationnements prévus à cet effet.
Enfin, Antoine Hébert Maher admet qu’il est moins plaisant d’entretenir la mécanique de sa bicyclette en hiver qu’en été, lorsque les circuits et les doigts se mettent à geler.
Cinq conseils pour une pratique du vélo d’hiver réussie (d’après une présentation d’Antoine Hébert Maher et Magali Bebronne pour Vélo Québec)

- Assurer sa visibilité. L’hiver, il fait plus sombre et les journées sont courtes, il est donc important de se doter d’un bon système d’éclairage actif, en plus des réflecteurs.
- Rester au chaud et au sec mais ne pas trop se couvrir. La chaleur corporelle engendrée par l’activité physique à vélo suffit à procurer un certain confort. Il faut néanmoins faire attention à bien protéger les extrémités, et privilégier la technique des « pelures d’oignon » en superposant plusieurs couches de vêtements.
- Adapter et vérifier son équipement au début de la saison. On peut opter pour des pneus étroits qui fendent la neige et offrent une bonne adhérence grâce à des crampons, ou préférer des pneus plus larges qui « surfent » sur la neige. Par temps de verglas, les pneus à clous, seuls à offrir une bonne tenue de route sur une chaussée glacée, sont un incontournable. S’équiper de freins spécialisés n’est pas indispensable, à condition de s’assurer de leur état de marche avant l’hiver. Enfin, lubrifier les câbles (et le cadenas) en début de saison prévient également les désagréments liés au gel des pièces.
- Adapter sa conduite. La neige n’offrant pas la même adhérence que les pistes estivales, il est conseillé de ralentir son rythme de croisière, de prendre des virages plus larges et d’éviter les mouvements brusques. De plus, une vigilance supplémentaire est de mise vis-à-vis des autres usagers de la route, moins préparés à voir des cyclistes l’hiver : bien garder ses distances, anticiper et établir un contact visuel avec les automobilistes afin de s’assurer d’être remarqué.
- Avoir du plaisir. Aussi agréable et sécuritaire qu’il puisse être, le vélo d’hiver requiert un temps d’adaptation et une mise en selle progressive. Effectuer sa première expérience au beau milieu d’une tempête de neige est ainsi fortement déconseillé. Tester sa tenue, son vélo et la dextérité de ses manœuvres peut prendre quelques jours de pratique.
Pour en savoir plus, le site de Vélo Québec:
http://www.velo.qc.ca/transport-actif/ABC-du-transport-actif/Rouler-en-hiver
Article par Xuân Ducandas
Version originale publiée dans le magazine Le Reporter, Volume XIV, numéro 3, avril 2014. L’édition est disponible en ligne à l’adresse suivante: http://ageefep.qc.ca/wp-test/wp-content/uploads/docs/reporter/LeReporterAvril_2014.pdf