
Tony Ezzy est montréalais, musicien et auteur du blogue « The Tony Ezzy Espace Labratouri » où l’on peut lire ses réflexions, suivre son actualité et écouter plusieurs de ses morceaux. Savant mélange de spiritualité et de fantaisie, il reconnaît volontiers le caractère insolite de l’image qu’il projette. Entrevue loin du second degré et proche de la cinquième dimension.
À grand renfort d’effets sonores précis où pointent des influences jazz, Tony Ezzy chante comme on entre en transe. Ses thèmes de prédilection ? Un entrelacs de quotidien et d’ésotérisme, comme en témoignent les titres Teleportation, Kool Aide ou encore Kitty Kats will lead us through the land of the dead !
Nul besoin de lire sa biographie – où il se décrit comme un « empathe » ou encore « issu d’une série de cristaux mauves virevoltants » – pour deviner que Tony Ezzy est un être singulier. Ancien étudiant de l’Université Concordia, il intervient également sur les ondes de la radio mcgilloise CKUT et a livré une prestation remarquée en 2010 lors d’un concert au profit d’Haïti.
En dépit de ce curriculum classique, le personnage virtuel du musicien de 35 ans peut susciter quelques interrogations. Est-il une forme avancée de hipster ? Un poseur arborant une désinvolture feinte ? Ou encore un doux dingue, une sorte de Normand L’Amour anglophone, Le Madrid en moins et la moustache en plus ?
Pourtant, sous les hauts plafonds de la bibliothèque du Mile-End qu’il a choisie comme lieu de rendez-vous, le vrai Tony Ezzy dissipe les appréhensions. Il apparaît comme un authentique original, sans une once de sarcasme, le regard sincère et le sourire généreux.
Il s’excuse d’avance pour ses digressions et reconnaît que ses propos peuvent sembler fous. L’homme précise que l’excentricité et le spirituel coulent dans les gènes chez lui, en particulier du côté de sa famille paternelle (d’origine libanaise et vivant dans le Maine où il a grandi). Il évoque sa grand-mère aux pouvoirs de magicienne, les contacts de ses sœurs avec l’au-delà et les ancêtres avec lesquels lui-même communique.
Voyage aux frontières de notre réalité.
Tony Ezzy, quel genre d’artiste êtes-vous ?
Je ne me vois pas comme un artiste. Je fais juste de la musique, comme l’oiseau qui chante. Je n’aime aucun des termes conventionnels utilisés de nos jours : travail, jeu, art… La musique fait simplement partie de mon être. Elle est dans mon ADN : mon grand-père était musicien et avait créé un orchestre avec ses enfants – comme les Jackson Five.
Je joue de tous les instruments. Ces trois dernières années, j’ai beaucoup pratiqué la basse et la clarinette. Mais j’ai un banjo depuis peu et c’est très excitant ! Cela reprogramme mes synapses neuronales. Et le son est tellement métallique, tellement pur. L’acteur Steve Martin a d’ailleurs déclaré qu’il devait tous ses succès personnels et professionnels au fait de jouer du banjo.
Avez-vous des influences musicales ?
Avant, c’était Prince. Dernièrement, j’écoute davantage de jazz et de musiques traditionnelles. Beaucoup de percussions vaudou, en particulier. Je m’intéresse de moins en moins aux chansons. Je ne crois pas en cet objet commercial où l’on doit fabriquer du sens en trois minutes et demie.
Où puisez-vous votre inspiration ?
La musique m’inspire, car elle me permet de réparer mon esprit : je l’utilise comme un outil. C’est aussi une manière d’attirer l’attention des gens, car la musique transcende toutes les barrières. On peut parler d’hommes-lézards ou de Jupiter tant qu’on veut, si on arrive à convaincre une seule personne à travers la musique, on sera pris au sérieux.
Qu’est-ce qui paraît insolite à vos yeux ?
Tout ce qui est ordinaire me semble horriblement oppressant. La façon dont les gens définissent la normalité. La seule chose vraiment folle, c’est ce que les gens acceptent et considèrent comme « normal ». Cela subvertit l’esprit des gens, leur imagination. C’est très frustrant. Je trouve insolite le fait que les gens puissent être si léthargiques, si calcifiés. Leur façon d’agir, de s’habiller, les choses que l’on nous force à regarder. C’est horrible. Malheureusement, ce n’est pas inhabituel, c’est même beaucoup trop commun.
Êtes-vous perçu comme étrange dans votre entourage ?
Je suis devenu de plus en plus honnête par rapport à mes expériences, et cela a mis certains de mes amis mal à l’aise. Mais à un moment donné, lorsqu’ils me demandaient ce que j’avais fait la veille, je ne pouvais plus leur dire « Oh, j’ai écouté des séries à la télévision… », il fallait que la vérité sorte. Alors j’ai commencé à répondre « J’ai été sur Mercure, j’ai parlé à un reptilien de huit pieds de haut ». Il m’arrivait tant de choses particulières que je serais devenu fou si j’avais continué à prétendre qu’elles n’avaient pas lieu.
Vous semblez être intéressé par une forme de métaphysique, de philosophie…
Je ne crois en aucune philosophie. C’est une technologie intérieure personnelle que je développe, une pratique, une façon d’être. Ma préoccupation première est de comprendre. Il s’agit de déchiffrer les émotions comme autant de sources de connaissance. Ma seule philosophie prône un individualisme féroce. Je ne crois pas aux religions qui préconisent d’anéantir notre ego. Un ego faible et sous-développé peut prendre la forme d’un crétin arrogant. Mais cultiver un ego extrêmement fort, cela revient à être responsable de soi-même, au-delà de la vie et de la mort. Et c’est là, je pense, que se trouve le point de départ du voyage dans le temps.
Voyage dans le temps, téléportation, reptiliens… tous ces thèmes semblent influencer votre musique.
Je ne peux plus ignorer ces choses. Elles puisent leur source chez mes ancêtres. Lorsque j’étais enfant, dans les réunions de famille, tout le monde me paraissait si étrange ! Leur peau avait l’air presque verte, leurs têtes étaient trop grosses, et ils fixaient les gens. Et je me disais « Ces gens sont des imposteurs ! » Ce ne sont pas des Terriens, au sens où on l’entend habituellement. Petit, je me dessinais aussi sous la forme d’un homme-lézard. Et je déclarais « voici le vrai Tony Ezzy ».
Êtes-vous un reptilien ?
En l’absence d’un meilleur terme. Le 24 décembre 2011, j’ai vécu un changement de forme. Littéralement : ma physiologie s’est transformée, je suis devenu l’un de ces êtres. C’était devant mon neveu, et nous avons tous les deux cru être officiellement devenus fous. C’était comme un éternuement. L’expression la plus acceptable pour décrire cette expérience, d’un point de vue culturel, serait « initiation chamanique »
Pouvez-vous décrire davantage cette expérience ?
J’ai senti une chose pousser hors de mon crâne. La sensation était presque orgasmique. Tout d’un coup, je pouvais tout entendre, j’étais connecté à au moins un millier de personnes à la fois. Toute la pièce est devenue un vortex, et je suis entré de plain-pied dans le cerveau reptilien. On nous dit qu’il s’agit de la partie la plus primitive du cerveau humain, qu’il ne faut pas l’utiliser, mais c’est une vaste tromperie. Tout notre cerveau doit devenir aussi instinctif et automatique qu’un éternuement. C’est ce que mon défunt père m’a dit lors d’un voyage astral : le secret de la téléportation réside dans le bulbe rachidien. Je me suis déjà téléporté dans des sphères astrales. Les reptiliens ont une meilleure maîtrise de la téléportation, mais tout le monde peut le faire.
Comment se passent vos téléportations ?
L’intention est toujours délibérée, mais la destination peut s’imposer d’elle-même. Parfois, je vais simplement de l’autre côté du mur. Parfois je vais très loin. C’est comme si on m’extrayait de mon propre corps pour propulser ma conscience à travers un tunnel. Je visite plein d’endroits de cette façon. Je rencontre des quantités de gens. J’ai été emmené sur la lune, sur plusieurs planètes du système solaire. Mercure est d’un jaune très, très brillant. Les êtres là-bas étaient gigantesques – environ 30 pieds de haut- et semblaient faits d’or. Leurs barbes flottaient et ils étaient assis autour d’une table en marbre. Tout était jaune et doré. J’ai juste entendu une voix dans ma tête disant : « Tu es à présent sur Mercure. » Et puis je suis revenu. Ce fut très rapide cette fois-là.
Quels sont vos projets ?
J’ai des tonnes et des tonnes de cassettes. J’en enregistre constamment[1]. Je n’ai vraiment plus envie de jouer dans ces bars avec des DJs où les gens vont pour danser et se saouler. C’est devenu difficile pour moi de fonctionner dans ce type d’environnement. J’aimerais donner des concerts dans des lieux plus calmes, des cinémas ou des cafés. Cela m’est égal que les gens fassent n’importe quoi, du moment qu’ils sont un minimum attentifs.
[1] On peut lui écrire via son site Internet pour en obtenir une : il les expédie gratuitement.
Entrevue par Xuân Ducandas.
Version originale publiée dans le magazine Le Reporter, Volume XIV, numéro 2, mars 2014. L’édition est disponible en ligne à l’adresse suivante: http://ageefep.qc.ca/wp-test/wp-content/uploads/docs/reporter/LeReporterMars_2014.pdf
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