
De mystérieuses orchidées sauvages se sont mises à pousser dans le jardin métropolitain de Sophie Chérer, juste avant l’été. Pour l’écrivaine, le phénomène prend un sens particulier. Son dernier roman, La vraie couleur de la vanille, vient en effet de paraître aux éditions Médium-École des loisirs. Cette fiction s’inspire de la véritable histoire d’Edmond Albius, génie précoce de la botanique ayant découvert en 1841 le procédé de pollinisation artificielle de la vanille, à l’île de la Réunion. Mais voilà : enfant, Noir et esclave de surcroît, Edmond a fini sa vie dans l’oubli et la misère. C’est donc sous forme d’hommage au petit garçon que le livre a été présenté dimanche 13 octobre au Kepkaa[1], lors d’un kabar littéraire organisé par l’Association des Réunionnais du Québec à l’occasion du Mois du Créole à Montréal. Un après-midi riche en poésie, en émotions…et en vanille.
De l’Histoire à l’histoire
L’ emmener voir un jour le printemps de France, c’est ce que Ferréol Bellier Beaumont aurait juré à son « protégé » Edmond Albius. Cette promesse jamais tenue, Sophie Chérer a voulu l’honorer à sa manière. En ravivant la mémoire du jeune esclave jusqu’au cœur de l’automne québécois, la femme de lettres était visiblement émue. Face à la trentaine de personnes réunies pour l’évènement, elle a souhaité rendre hommage à l’enfant et plus généralement à l’enfance, trop souvent négligée dans sa richesse.
C’est lors d’un séjour à la Réunion que l’auteure a découvert les origines de la vanille péi et la destinée d’Edmond. « Pour quelqu’un qui aime le romanesque et les histoires extraordinaires, c’était du pain béni ! » confie-t-elle. L’intrigue a cependant mûri en elle une quinzaine d’années avant d’éclore sur le papier. « C’était difficile de trouver un moyen de raconter sans déformer. Il m’a bien sûr fallu inventer, mais avec respect et le souci d’être plausible. » Il aura fallu du temps, de la persévérance et l’aide de nombreuses personnes, souligne-t-elle.
En compulsant les archives pour s’approcher au plus près de la vérité, Sophie Chérer a eu l’impression de déterrer un trésor enfoui. Elle souhaite désormais que son livre soit exactement « le contraire d’un page-turner » : j’aimerais que les lecteurs aient envie de s’y attarder longuement, que chaque page suscite en eux une émotion, une réflexion, une prise de conscience. »
Vanille créole
La rencontre littéraire était aussi une occasion de célébrer les cultures créoles. Interventions et débats ont animé l’assemblée constituée de Réunionnais et amis de la créolité issus des quatre coins du globe. L’importance de la culture écrite a été soulignée. L’idée de traduire La vraie couleur de la vanille en créole a germé. Louisa Lafable, présidente de l’Association des Réunionnais du Québec, a salué la diversité et la ferveur des personnes présentes à faire rayonner l’âme créole au-delà des frontières.
Venue d’Ottawa pour l’occasion, la conteuse Mafane a livré une histoire de vanille, faisant voyager le public du Mexique à l’Océan Indien. Une autre Créole des neiges, Cécile Marvillier, a lu deux poèmes célébrant les charmes de la vanille Bourbon, dont les accents sucrés et épicés ont su ravir l’auditoire. Enfin, elle a rejoint Paul Tibère et Angelo Lebreton le temps de quelques chansons, dont le célèbre « Grand-mère » d’Ousanousava (qui a fait couler quelques larmes dans l’assistance) et le « Rest’la maloya » d’Alain Peters, suivis de compositions personnelles des musiciens.
Puisque la vanille était évidemment à l’honneur, un buffet offert par le traiteur Marmite su’l feu attendait les participants. Mais avant de mordre dans une part de gâteau patates ou manioc, Sophie Chérer a tenu à partager une anecdote. La mère d’un blogueur berlinois, après avoir lu le livre, aurait troqué sa vanille bon marché pour des gousses de qualité et de provenance plus éthique. Elle aurait aussi déclaré en substance : « Je viens de comprendre que la vanille est née dans la souffrance et qu’on ne peut pas s’en servir comme si de rien n’était. Dorénavant, chaque fois que j’en utiliserai, j’aurai une pensée pour Edmond Albius. »
Se souvenir à travers des gestes simples, peut-être la meilleure façon de lui rendre hommage.

Un grand bonjour depuis Banff, au coeur des Rocky Mountains, ou je decouvre cet article grace a Anne ! Merci d’avoir rendu compte avec autant de finesse et de justesse de cette rencontre, chaleureuse et emouvante pour nous tous… Je ne trouve pas les accents sur ce clavier de ma residence de l’Alberta, et je compte sur votre indulgence, mais sachez qu’en ce moment je vous parle du fond du coeur et avec l’accent creole ; Kouler lo ker le pas kouler la po !
Merci pour ces mots! Je suis bien heureuse que l’article vous ait plu. Cette journée était effectivement très spéciale pour nous tous, et comme beaucoup d’autres, j’ai été surprise et émue par le livre, par vos propos, par la profondeur de cette rencontre. Un vrai fonnkèr… Passez un beau séjour en Alberta (gare aux ours) et, je l’espère, n’artrouv’ !
coucou XUAN… je découvre ton article sur la vanille… félicitatons ..mais ma plus grande surprise et avec beaucoup d’émotions que je te connais depuis bébé…..eh oui…. je suis la marraine de ta maman ..ELISA ..encore bravo pour ton article ,je te félicite et continue dans cette voie de parler des richesses de la Réunion …je t’embrasse affectueusement. Marie SINAYA
Oh, merci beaucoup Marie pour ton si gentil commentaire !! C’est drôle de se retrouver via le blogue 🙂 Je t’embrasse aussi et espère te revoir bientôt… Chúc Mừng Năm Mới !