Pierre Maisonneuve et l’information : retour sur une histoire passionnelle

Crédit photo: Radio Canada
Crédit photo: Radio Canada

Le journalisme est indissociable de l’amour : tel pourrait être en substance le message délivré par Pierre Maisonneuve lors d’une conférence de presse donnée le 21 février 2013 à l’Université de Montréal, face à un parterre d’étudiants avides de conseils. L’amour de la profession bien sûr, mais aussi et surtout l’amour des autres, le respect de l’interlocuteur – qu’il soit politicien ou illustre inconnu.

Pierre Maisonneuve, journaliste chevronné et figure marquante de la télévision et de la radio publiques, a pris sa retraite l’année dernière après 48 ans d’antenne et de reportages. Le regard rieur et le verbe vif, il semble pourtant n’avoir jamais perdu la passion du métier.

Mais l’information libre existe-t-elle encore ? Cette question, lancée en préambule, a servi de prétexte au journaliste pour revenir sur son propre parcours et commenter la situation des médias contemporains. Retour sur un avis éclairé.

« Notre pratique du métier est le reflet de ce que nous sommes » 

Membre du Conseil de presse, employé de CJMS, du Journal de Montréal puis du Journal de Québec, animateur à Radio-Canada et à RDI, reporter à l’étranger, auteur de biographies, touche-à-tout de l’actualité… Pierre Maisonneuve aura endossé bien des casquettes depuis ses débuts, en 1964, dans la ville ontarienne de Cornwall.

Revenir sur les éléments marquants de sa carrière a permis au journaliste québécois d’illustrer les différentes facettes de l’information et de son traitement, entre obstacles et petites victoires.

Le message délivré en filigrane est celui de l’importance des choix personnels, de la rigueur et de l’éthique journalistique : « On est dans le métier le reflet de ce que l’on est dans la vie », affirme-t-il.

Les aspirants journalistes du public ont ainsi été rassurés quant au risque éventuel de se perdre parmi les impératifs médiatiques : la pratique du journaliste est fondamentalement influencée par les intérêts, mais aussi les valeurs de celui-ci.

Et pour celui qui prône la gentillesse et l’humilité face aux personnes interviewées, les valeurs humaines semblent être primordiales. Aimer les gens, c’est le socle de la pratique journalistique, soutient Pierre Maisonneuve. Les invités ne devraient pas être le faire-valoir de l’animateur, comme on le voit trop souvent de nos jours selon lui. Pour réaliser une bonne entrevue, le journaliste conseille de « partir de l’autre » en s’efforçant de rester objectif, sans essayer de « planter » son interlocuteur. Il faut mettre celui-ci en confiance, accepter qu’il exprime sa pensée et être prêt parfois à changer de vision face à ce que les autres peuvent nous enseigner.

Les dérives des médias contemporains

Autodidacte, Pierre Maisonneuve révèle avoir appris l’essentiel de sa profession sur le tas, à une époque où les journalistes étaient davantage associés à la classe ouvrière qu’à des universitaires. Les questions sociales tenaient ainsi le haut du pavé parmi leurs préoccupations.

Depuis, les conditions de travail se sont nettement améliorées, notamment au sein des grandes institutions. Mais l’ère contemporaine marque-t-elle pour autant l’âge d’or des médias ? Pas si sûr.

« On n’a jamais autant parlé d’argent », déplore Pierre Maisonneuve, citant à titre d’exemple le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé. Les intérêts et les motivations des journalistes se dissocient en effet désormais de ceux des plus défavorisés. Il regrette de ce fait que l’accès aux médias soit bien souvent impossible à ceux qui auraient le plus besoin d’une tribune.

En outre, les professionnels des médias doivent se livrer à des jeux de pouvoir, les journalistes ayant acquis une influence indéniable au sein de la société. Une société dont ils demeurent toutefois le reflet, parfois déformant ou grossissant, mais toujours révélateur. Le journaliste serait ainsi comme un miroir tendu face à nos angoisses, nos préoccupations, nos défauts.

La notoriété à laquelle certains accèdent peut dès lors aussi bien être un avantage qu’une source de dérives, notamment lorsque la personnalité de l’intervieweur prend plus de place que la parole de l’interviewé.

Pierre Maisonneuve n’hésite pas à se montrer critique envers l’information diffusée à travers Internet et les nouveaux médias sociaux.

À l’heure des blogues, de Facebook, Twitter et consorts, ces espaces permettent d’offrir la parole à ceux qui en seraient autrement privés, concède le journaliste.

Ils constituent également une source non négligeable d’informations, permettant de prendre le pouls des débats au sein de la population, de « percevoir la nature des problèmes, la façon dont les gens en parlent ».

Mais il est important de ne pas se limiter aux sources virtuelles. Il faut aussi garder une oreille attentive dans la vraie vie, conseille Pierre Maisonneuve, évoquant certaines de ses histoires inspirées par des conversations glanées dans les cafés.

Selon lui, les médias sociaux représentent un danger pour l’information dans la mesure où ils ne sont soumis à aucun filtre, aucune censure. À travers ces nouveaux réseaux, un trop plein d’informations non-vérifiées est livré quotidiennement en pâture aux interprétations des lecteurs. Des erreurs peuvent ainsi être véhiculées. Autrefois, à Radio Canada, un minimum de deux sources sûres était requis avant de publier une nouvelle, rappelle le journaliste. Celui-ci constate aussi l’esprit de compétition qui règne dans les médias de notre époque, où « tout le monde est journaliste » ou du moins y prétend.

Alors peut-elle encore exister, cette information libre ? Ou est-elle assujettie, dans notre espace public manipulé, à la pensée de prédicateurs qui nous dictent comment penser ? La question est épineuse et Pierre Maisonneuve se garde bien d’être trop optimiste. Mais il souligne toutefois comment il a déjà, par le passé, refusé de se soumettre aux injonctions de supérieurs hiérarchiques, au nom de son indépendance professionnelle et de sa liberté de penser.

Offrir un contenu de qualité au public doit demeurer un leitmotiv du journaliste, déclare-t-il, soulignant également la nécessité de distinguer opinion et information.

Rigueur, honnêteté et bienveillance : tels seraient ainsi, dans l’univers impitoyable des médias, les garde-fous de la liberté.

Compte-rendu par Xuân Ducandas

Réalisé dans le cadre du certificat en journalisme de l’Université de Montréal

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