« Madame la mairesse a-t-elle été chercher son budget dans une boîte de céréales ? »
En ce samedi matin, l’atmosphère est électrique à l’hôtel de Ville de Montréal. Soixante-sept politiciens en herbe de 18 à 30 ans, veste formelle et verbe haut, se sont réunis sous les vitraux du Hall d’honneur pour la 26ème édition du Jeune Conseil de Montréal.
Cette simulation parlementaire non partisane qui respecte scrupuleusement le fonctionnement du vrai conseil municipal se déroule chaque année. Sous la houlette du président désigné pour l’occasion, les débats vont bon train. Assignés à un « parti » (l’administration, l’opposition officielle et la seconde opposition) ou argumentant en leur propre nom, les participants disposent de deux minutes de temps de parole par motion pour défendre leur point de vue.
Au programme de la journée : revalorisation des espaces urbains, bien-être des résidents de circonscriptions défavorisées, partenariats controversés entre la ville et les entrepreneurs privés… Les projets municipaux d’actualité servent de prétexte pour évoquer des enjeux économiques et sociaux d’envergure. Entre piques d’humour acide et plaidoyers vibrants, les conseillers et conseillères désignés pour chaque circonscription montréalaise parviennent à transformer la motion la plus anecdotique en sujet brûlant.
Des simulations citoyennes prises au sérieux
« C’est un excellent exercice qui force l’intelligence, développe l’esprit d’analyse et la créativité », affirme Thomas Micheneau, 23 ans et passionné de débat politique. L’œil brillant d’enthousiasme, il cite Eleanor Roosevelt –« les grands esprits discutent des idées… »- et dit apprécier de pouvoir cultiver l’art oratoire hors de toute affiliation partisane, quitte à se faire parfois l’avocat du diable.
Fraîchement diplômé de HEC Montréal (une maîtrise en gestion des technologies), le jeune homme estime que l’évènement est une occasion pour les jeunes « d’exercer leur pouvoir démocratique ». Le Jeune Conseil de Montréal veut en effet offrir un lieu d’exercice exemplaire de notre système politique : « L’important, c’est que chacun puisse s’exprimer, peu importe son identité, sa provenance, son milieu. Le manque de compétences précises sur un sujet n’empêche pas d’avoir des idées ». Issus d’horizons variés, les membres du Jeune Conseil reflètent selon lui la diversité montréalaise, un multiculturalisme pas nécessairement observé au sein du véritable conseil municipal.
L’aspect simulé des débats n’empêche en rien les participants de prendre leur tâche au sérieux : la plupart ont dormi à peine trois heures la nuit précédente afin de préparer leurs argumentaires. Tout le monde semble cependant en pleine forme dans l’assistance où fusent régulièrement rires et applaudissements, à la suite d’une envolée rhétorique particulièrement inspirée.
L’objectif de l’évènement est avant tout de promouvoir l’implication citoyenne chez les jeunes Montréalais, comme le souligne Sylvain Campeau, co-fondateur du projet. Premier maire du Jeune Conseil en 1986, il se réjouit de la qualité des échanges d’aujourd’hui. « Je suis très fier de la contribution des jeunes à la vie politique. Ils abordent des enjeux sociaux importants. »
Une « expérience collective magnifique »
Un enthousiasme que l’on retrouve chez Eugénie Lépine-Blondeau, 23 ans. Poignée de main et discours énergiques, cette bachelière en études internationales tient le rôle de leader de l’administration (bras-droit de la mairesse Marie-Gabrielle Bronsard). La jeune femme, qui participe pour la quatrième fois au Jeune Conseil, affirme avoir eu dès le début « la piqûre des simulations parlementaires ». Cette expérience lui a également permis de s’intéresser de plus près à la politique municipale, une sphère passionnante selon elle car il s’agit du « palier gouvernemental le plus proche de la population ».
L’équipe s’efforce de promouvoir les débats concernant des projets actuels et même polémiques. « Il y a beaucoup d’ouverture d’esprit chez tous les participants. On favorise le changement d’idées, la remise en question. J’aime me laisser convaincre. »
Pour Eugénie, le mandat du Conseil permet aussi « une expérience collective magnifique : c’est l’occasion de se découvrir les uns les autres avec autre chose que notre C.V. ou encore l’étiquette d’un parti politique ou d’un lobby. La seule étiquette que les gens ont ici, c’est la leur ».
Reportage par Xuân Ducandas
Réalisé le 26 janvier 2013 dans le cadre du certificat en journalisme de l’Université de Montréal
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